[Mare Noire] L'onde de choc

C'est fou comment le temps est relatif. Parfois, il fait des bonds de lièvre apeurés, parfois, chaque seconde s'égraine comme autant de coup de coups de marteau sur une enclume. Lareless en ressent le long défilement dans ses os et ses muscles. Penser et s'interroger, c'est comme tellement la seule chose qu'elle peut faire en ce moment.

Est ce les bonnes décisions qu'elle a prise? Aurait t'elle dû sacrifier ce petit nombre au profit du plus grand? Au départ, c'était son plan de match, certe. Mais elle a su pour le désespoir qui menait à de telles extrémités. Ce n'est pas la solution, comme tuer tout les autres ne le sont pas non plus.

Elle voulait éloigner l'artefact des citadin, le cacher loin… Maintenant, ce n'est plus possible. La druidesse a demandé aux Noss d'aller chercher l'artefact et de le mettre hors de portée… Pense t'elle tout du moins. La fatigue des dernières ennéades pèsent sur elle et sur Estoniel.

Ai je fais le bon choix? Se demande t'elle alors qu'elle regarde pour la énième fois Gingal au sol. Sa consoeur ne se réveille pas et ca l'inquiète. La vitaliste pourrait se pencher sur son cas, elle en serait capable si elle était en pleine possession de ses moyens, ce qui n'est pas le cas.

Adepte de la liberté, Lareless regarde autour d'elle, les elfes oeuvrent mais ils sont inquiets. Ils ne savent pas quoi faire. Pourquoi ne pensent t'ils pas par eux-même? Elle les entends murmurer, dans son sommeil et son demi sommeil. Elle ne peut pas leur donner de réponses. Elle ne peut pas penser à leur place. Elle ne peut pas les guider.

Tel n'est pas son rôle. Son rôle est de préserver l'Equilibre. Donner un choix.

Mais quel choix y aurait il?

Anxieuse, l'elfe sursaute lorsque son soigneur arrive pour s'occuper d'elle. Un léger sourire douloureux au visage. Mais elle ne lui répond pas.  Plutôt, le joli visage se plisse d'interrogation et les oreilles se mettent à frétiller.. Less écoute et regarde. Désorientée, perturbée. Le questionnement fait place à l'inquiétude. Le vent qui passe amène le silence… Avec le silence, le vide…

L'inquiétude fait place à l'angoisse la plus profonde. Les grands yeux verts, pupilles dilatées, fixent le mâle aux fruits sans le voir.

- Heri Lareless ? Vous m’entendez ?

Puis tout revient… Elle sent les battements désordonnés de son coeur. Sa main se pose sur la manche de celui qui lui parle.

Il est presque trop tard. Ils l'ont… L'avertissement est clair.

Elle s'arrête, essoufflée. Sur le bord des larmes, la vitaliste se demande comment elle pourra faire pour sauver tout le monde. Prévenir un génocide. Des elfes de pierres comme des Noss, comme de l'Anaëh.

Allez-y! Je dois …

Elle doit quoi, au juste? Elle n'est pas en état d'être d'une grande aide. Lareless ferme les yeux et écoute attentivement. Comme d'habitude, les Pies Bavardes savent où elle doit aller… L'idée de ne plus les entendre, jamais, la remplit d'une terreur indicible.  Puis, elle les rouvre. Maintenant, il est temps de déborder de son mandat. Si elle ne le fait pas, personne ne le fera. L'Equilibre n'a pas besoin en ce moment d'un point, mais de deux mains qui vont soutenir les plateaux si fragiles. Les prunelles de mousse se rouvrent, calmes et posées.

-Nous devons nous mettre en route. Mes sœurs me diront où aller. Je vous demande d'envoyer un message à toute les Noss, leur demandant au nom de Kyriä d'envoyer les anciens à Aleandir afin de partager leur savoir concernant l'Antique puit incomplet rempli d'ombres insondables aux elfes de pierre, qu'ils le veuillent ou non. Nous n'avons que trop tardé… Relayez mes paroles et ce que je sais aux quatre vents. Et rajoutez mot pour mot. Nous devons nous unir sinon ca sera la Fin de toute chose.

Il est peut-être déjà trop tard. C'est par là qu'ils auraient dû commencer. Calao lui manque, il aurait pu, lui, être plus efficace. En ces jours d'immobilité forcé, son cerveau a carburé à fond. Elle s'est morigéné longuement aussi. En quoi, elle, simple druidesse solitaire, pourrait elle influencer les choses et tous les sauver?

Et nous, cher ami, nous devons nous mettre en mouvement. Maintenant.

Y croit elle vraiment? Il est peut-être déjà trop tard...